Interview de Rafael Araujo : art, nombre d’or et géométrie sacrée
J’ai découvert le travail fascinant de Rafael Araujo, artiste et architecte Vénézuélien, en feuilletant le magnifique ouvrage de Gary B. Meisner, Le Nombre d’Or – La divine beauté des mathématiques. Parmi toutes les œuvres présentées, celles de Rafael m’ont immédiatement captivée. Ses dessins d’une précision remarquable, réalisés exclusivement à la main, expriment bien plus que de simples calculs : ils incarnent l’harmonie des formes, le nombre d’or et une esthétique qui touche à l’universel.
Depuis toujours, je suis fascinée par l’art, les belles proportions et la géométrie sacrée, cet équilibre mystérieux qui semble relier la nature, les mathématiques et la beauté visuelle. Et il y a, dans les œuvres de Rafael, ce petit « quelque chose en plus » — une poésie visuelle, une quête silencieuse de l’ordre caché derrière le vivant — qui m’émerveille à chaque regard.
C’est donc tout naturellement que je lui ai proposé de réaliser cette interview. Je souhaitais mieux comprendre son parcours, sa façon de travailler et cette alchimie unique entre géométrie, discipline et beauté. L’interview originale s’est déroulée en espagnol.
Rafael Araujo se définit lui-même non pas comme un artiste de la géométrie sacrée — qu’il dit ne pas pratiquer — mais comme un ingénieur-artiste. Son approche est celle d’un architecte du trait, d’un mathématicien des courbes et des angles, d’un artisan du nombre d’or et des proportions naturelles. À travers cet échange, il nous invite à découvrir comment la géométrie, loin des dogmes et des interprétations symboliques, devient un langage visuel puissant, à la fois précis et profondément humain.

Entretien avec Rafael Araujo
Votre parcours est atypique : architecte de formation, vous êtes devenu un dessinateur hors normes. À quel moment la géométrie est-elle devenue pour vous un langage artistique à part entière ?
Dès le tout premier moment. Enfant, je jouais toujours d’un instrument et je dessinais naturellement.
Lorsque j’ai commencé à dessiner “sérieusement”, à la fin de l’adolescence, mes sujets portaient déjà sur la géométrie radiale, axiale et tridimensionnelle. De plus, j’ai toujours su comment faire.
Avec le recul, je réalise que je savais, mais que les méthodes que j’utilisais à l’époque étaient, pour le moins, précaires, bien que très précises. C’était un peu comme calculer l’aire de fonctions mathématiques en additionnant de minuscules rectangles (à la manière des mathématiques grecques classiques), et non en utilisant les intégrales modernes du calcul différentiel.
Avec la pratique, j’ai appris à “intégrer”, pour poursuivre cette métaphore mathématique.

On parle souvent d’intuition dans le processus créatif. Est-ce qu’on peut être “inspiré” par un angle, une courbe ou une structure mathématique ?
Le processus créatif devrait être libre, mais liberté ne signifie pas absence de règles. Le type d’art que je préfère évolue dans un cadre de règles strictes, au sein duquel je me déplace avec fluidité. S’aligner sur un angle, par exemple, n’est pas différent d’écrire dans une tonalité musicale. Bach a composé Le Clavier bien tempéré en créant chaque prélude et fugue dans chacune des 24 tonalités possibles. En géométrie, on travaille avec le nombre 3 ou ses multiples (30 degrés), ou avec le 2 (45 degrés), parce que l’on a une intention claire. Les angles sont un moyen, non une limitation. Quant à l’inspiration, elle représente sans doute un très petit pourcentage du travail accompli.
Vous travaillez exclusivement à la main, avec des instruments de dessin traditionnels. Qu’est-ce que cela change dans votre rapport à l’œuvre, par rapport à un outil numérique ?
Je ne travaille pas numériquement car, lorsque les logiciels de dessin sont apparus, j’ai découvert que, bien qu’ils soient très pratiques, ils perdaient le réseau de lignes de calcul obligatoires que l’on obtient en dessinant à la main. En général, le résultat graphique me semblait aussi moins riche, même s’il était tout aussi parfait. Bien sûr, lorsqu’une erreur se produit dans un dessin analogique, on regrette de ne pas avoir un ordinateur pour déplacer le dessin un peu vers la droite, par exemple... mais le sort en est jeté : il faut tout recommencer. Il est important de se tromper le moins possible !

La rigueur est omniprésente dans votre travail, mais on y ressent aussi une forme de poésie. Comment trouvez-vous l’équilibre entre précision et sensibilité ?
C’est une bonne question. En réalité, l’art “classique” (non moderne, avec ses règles et son savoir-faire) est généralement rigoureux et strict, mais cela ne le rend pas moins fascinant. Je pense à Caravage (et toujours à Bach) en écrivant ceci. Leur travail n’est pas seulement novateur, il est techniquement parfait et, en parallèle, porteur d’une force expressive qui dépasse les mots. Et il est toujours “rigoureux”.
Le nombre d’or est au cœur de vos compositions. Que représente-t-il pour vous : une règle esthétique, un principe d’ordre naturel ou une clé de compréhension du monde ?
Le nombre d’or est au centre de mes compositions “dorées”. Je l’utilise ainsi que d’autres proportions (théoriquement infinies). Mon véritable défi, ce sont les proportions : comment en choisir une parmi des possibilités infinies ? On a tendance à croire que la proportion dorée est parfaite et que tout est automatiquement résolu avec elle. Malheureusement, il n’existe pas de raccourci de ce type. Chaque chose sert un but spécifique.
À mon avis, Phi (1,618) n’est pas meilleur que 2 ou 3 (les nombres avec lesquels je travaille le plus).
Beaucoup de vos dessins représentent des formes issues de la nature : spirales, ailes, coquilles… Que disent ces structures vivantes à un œil géométrique ?
Les spirales me passionnent depuis toujours, probablement parce que le monde (et l’univers) en sont remplis et que l’on vit, consciemment ou non, enveloppé de spirales.
J’ai commencé à utiliser les ailes (de papillons) et d’autres éléments pour rendre mes dessins plus lisibles, comme un recours rhétorique. Au départ, la simplicité géométrique me suffisait, mais peu de gens percevaient quelque chose dans de simples courbes. Et, en réalité, nous vivons dans un monde peuplé de personnes, dans lequel il est nécessaire de communiquer notre message, quel qu’il soit. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est si important de maîtriser le métier et la technique afin d’être capable d’exprimer n’importe quelle idée aussi clairement que possible. Car l’acte créatif, bien qu’éminemment personnel, est aussi une expérience “humaine”, destinée à être partagée.



Lorsque vous passez des dizaines d’heures sur un dessin, comment évolue votre perception du temps ? Le geste répété devient-il une forme de méditation ?
Pour moi, c’est un acte de volonté et de discipline. Il s’agit de surmonter l’inertie qui nous pousse au repos. Mon travail n’est pas très amusant parce qu’il s’apparente à quelque chose qui devrait être fait à l’ordinateur (le processus). Le faire manuellement devient parfois un acte de foi, car il est difficile de croire qu’au milieu d’un enchevêtrement de lignes et de points, quelque chose de lisible — et mieux encore, de beau, ce qui est le but — pourra émerger.
Vous avez représenté les solides de Platon et le Cube de Métatron, des formes chargées d’histoire et de structure. Qu’est-ce qui vous fascine dans ces polyèdres parfaits ?
Les solides platoniciens sont une “obligation” géométrique, pourrait-on dire. Toute personne s’intéressant au sujet doit passer par ces domaines de l’ordre. Par exemple, le nombre d’or y est très présent et il est essentiel pour calculer les deux derniers : le dodécaèdre et l’icosaèdre. En ce qui concerne le Métatron, bien que je l’aie utilisé et qu’il soit esthétiquement plaisant, il ne m’attire pas beaucoup car il n’est pas très précis pour effectuer des calculs complexes. Les solides platoniciens construits à partir de la trame du Métatron sont assez basiques. Bien qu’ils permettent de faire des choses intéressantes, ce n’est pas mon choix favori.



Comment voyez-vous le rôle des symboles (ou de l’art) dans un monde saturé d’images et de technologie ? Peuvent-ils encore “parler” à notre âme ?
Dans mon esprit géométrique, je ne me pose pas vraiment ce type de questions. Je suppose que oui, qu’ils sont importants, même à notre époque de savoir extrêmement limité, immédiat, numérique, de réseaux sociaux, où l’on cherche à éliminer la pensée individuelle pour favoriser le collectif et le basique. Les réseaux ont donné une voix aux imbéciles, comme le disait Umberto Eco.
Mais l’art parlera toujours à l’âme sensible.
Si vous deviez transmettre une seule chose à un jeune artiste qui découvre la géométrie, quelle serait cette “étincelle” que vous aimeriez lui offrir ?
La beauté de progresser dans un contexte de cohérence, où tout est interconnecté. La géométrie est un chemin vers la vérité platonicienne de la perfection inatteignable.

Le mot de conclusion
Je tiens à remercier chaleureusement Rafael Araujo pour sa disponibilité, sa générosité et la qualité de nos échanges. À travers ses réponses, il nous a offert bien plus qu’un simple regard technique sur son travail : il nous a partagé une véritable philosophie de la rigueur, de la beauté et de la patience.
Rafael insiste sur un point fondamental : il ne fait pas de géométrie sacrée. Son approche est mathématique, rationnelle, fondée sur les proportions, les angles et les formes naturelles. Pourtant… lorsqu’on contemple ses œuvres, quelque chose de plus grand se manifeste. Une harmonie qui nous dépasse. Une émotion qui parle à notre sens du beau et peut-être, à notre âme.
Cela pose une question essentielle : qu’est-ce qui rend une géométrie sacrée ? Est-ce la présence de symboles anciens ? Une intention spirituelle affichée ? Ou bien est-ce simplement la capacité d’une œuvre à créer en nous un écho profond, silencieux et universel ?
Dans un article de notre blog sur la géométrie sacrée, je développe cette réflexion. Et je me permets de partager avec vous une conviction : au fond, peu importe le concept. Ce qui compte, c’est ce que l’œuvre provoque en nous. Peu importe que l’artiste parle de géométrie sacrée ou de mathématiques pures. Ce qui est sacré, peut-être, c’est le regard que nous portons sur le monde et la capacité de certaines créations à nous relier à l’ordre subtil de la nature.
Et vous, qu’éveille en vous le travail de Rafael Araujo ? Voyez-vous dans ses lignes et ses courbes simplement des calculs… ou bien une porte ouverte sur un mystère plus vaste ?
Je vous invite à partager vos impressions en commentaire.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez découvrir davantage l’univers fascinant de Rafael Araujo, vous pouvez visiter son site officiel https://www.rafael-araujo.com/, où il présente ses œuvres, ses méthodes et ses projets. Vous pouvez également suivre son actualité et ses nouvelles créations sur sa page Facebook, un espace où il partage régulièrement ses dessins et réflexions autour de la géométrie, des mathématiques et de l’art.
Crédits photos: Rafael Araujo
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